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24 juillet 2011 7 24 /07 /juillet /2011 08:06

bernard

Je suis entré au Centre d’Art Dramatique de la rue Blanche à l’automne 1963 après avoir travaillé un an à la « Communauté théâtrale » de Raymond Rouleau et Yves Brainville (excellents professeurs au demeurant !)

Tous les personnages pittoresques de la rue Blanche ont déjà été écrits par d’autres et je n’y reviendrai pas.

Mais c’est sûr que cette époque de formation où on faisait du théâtre de 10 h du matin à 17 h (plus les extras qu’on pouvait faire le soir) fut une grande période créative et un grand plaisir.

Il est vrai qu’après l’annonce des « reçus » Melle Lehot nous disait : « On vous a accepté non pas parce que vous étiez les meilleurs mais parce que vous étiez les moins mauvais » ! Quel accueil !

J’ai été distribué dans la classe de Jacques Henri Duval qui était grand comme moi et qui m’a appris, du coup, à ne pas trop gesticuler en scène. C’était un bon comédien mais il est parti trop tôt…

 

 

 

Capture-d-ecran-2011-08-21-a-20.48.58.pngCapture-d-ecran-2012-09-10-a-08.57.04.png

 

 

 

Cependant dès la 2è année je demande à entrer au cours renommé d’Henri Rollan. Dans tout ce que je viens de lire comme témoignages sur ce grand comédien les avis sont unanimes : l’excellence ! Certes il ne me convenait guère car lui, était plutôt petit et faisait de grands gestes  (alors que Duval m’avait appris à en faire peu) mais la culture de Rollan, son humanisme et son immense amour de la langue française nous fascinaient tous. Sa diction était unique et on la reconnaissait entre mille. (Son écriture aussi d’ailleurs – un peu à la Erik Satie…)

Ses cours se passaient ainsi : « Bon ! ben qui passe ? » commençait-il.

Un ou une volontaire se levait, suivaient deux ou trois répliques rapidement interrompues par H. Rollan. Alors il parlait, il parlait, du personnage, de l’auteur, du style, des expériences personnelles, des souvenirs, il établissait beaucoup de correspondances avec la musique, il nous faisait souvent rire. Ca pouvait durer 30 ou 40 minutes. Puis ensuite il s’arrêtait et disait : « Bon, ben, maintenant vas-y ! » Et il est vrai que la scène changeait !

Henri RollanJe veux signaler aussi qu’un coffret souvenir, après sa mort a été réalisé par Jean Périmony. Bien sûr ce sont des disques vinyles, (comme on dit maintenant) et il y avait une belle iconographie et je joins ici en PJ l’une de ses plus belles photos de cette époque. Nous avions 20 ans et nous ne rendions pas compte combien il était déjà âgé (il était né en 1888 !) et très malade. Bien sûr nous allions régulièrement l’entendre dans son grand rôle de l’époque « le Cardinal d’Espagne » à « l’usine nationale » comme il appelait alors « le Théâtre Français ».

Je possède encore un enregistrement d’un de ces cours : (la première scène de : le jeu de l’Amour et du hasard – Néron et Junie – le médecin malgré lui et lui-même dans un extrait du Cardinal Cisneros). C’est sur K7 et CD mais tout à fait audible. Quelle émotion quand je l’écoute : c’est vraiment la voix d’outre-tombe ! 

 

 

 

 On peut dire – et on le ressent nettement dans les témoignages déjà écrits – que les élèves « qui ont eu »  Rollan comme professeur en ont été marqués à vie. C’est comme une filiation que nous avons reçue, une filiation de la bonne diction française de « l’art de bien dire » selon ses propres termes. Il était très respecté (mais assez coléreux aussi) et je me considère personnellement comme possesseur d’un héritage de l’art de bien dire que je tâche encore actuellement de communiquer.Capture-d-ecran-2011-08-20-a-16.00.58.png 

J’avais aussi comme professeur d’ensemble Jean Meyer – qui m’avait « à la bonne » étant aussi grand que lui – et qui m’a fait comprendre bien des choses sur Molière (dont il était spécialiste) sur l’art de dire et de jouer Molière, dans un certain mouvement, sans trop s’attarder sur des subtilités et tout cela donnait du dynamisme et du rythme à la scène. Bien sûr il connaissait les différentes éditions de Molière, les bonnes et les moins bonnes et nous en instruisait.

Je n’ai jamais compris qu’on ait donné le cours de diction et de poésie à Robert Manuel qui convenait plus pour faire travailler la comédie.

Capture-d-ecran-2014-11-11-a-17.56.42.pngBien sûr j’ai été aussi distribué dans plusieurs spectacles montés par René Dupuy et par Jean Meyer lui-même.

Je parle dans mon site (bernardcousin.com) des conditions d’entrée bien plus difficiles que maintenant puisqu’on n’entrait qu’en simple auditeur (sans couverture sociale !) et ce n’était qu’au bout d’un an, après un examen, qu’on avait véritablement le statut d’étudiant ! Les élèves comédiens d’aujourd’hui ont bien de la chance !

Bien que beaucoup décrivent une ambiance bon enfant et cordiale la discipline de la rue Blanche était cependant très scolaire et assez stricte ! Il y avait un « surveillant général » et des punitions (par exemple recopier en entier un classique). Ca paraît incroyable de nos jours ! Il y avait aussi l’appel de tous les élèves deux fois par jour ! Et des interphones dans les classes permettaient à Melle Lehot de nous surveiller, depuis son bureau, pour savoir si on travaillait véritablement ! Et si ce n’était pas le cas elle nous rappelait à l’ordre par ces hauts parleurs répartis dans chacune des salles !

Il y avait aussi des chahuts ! J’ai beaucoup chahuté Paul Blanchard qui était bien intéressant cependant et à la cantine j’ai lancé un « petit suisse » sur « le surveillant général » ce qui m’a fait passer en conseil de discipline et exclure de la cantine !

Et puis ensuite le « Centre d’Art Dramatique » est devenu l’ENSATT et j’ai dû passer à 40 ans le concours de sortie pour des raisons professionnelles !

 

Retrouvailles à la Comédie Française 50 ans après!!! (juin 2011)

- cliquer pour agrandir -

 

 

Capture d’écran 2013-05-12 à 21.48.02

De gauche à droite : ? Melle Lehot, Rosine Proust ? Bernard Cousin,

Gilles Blumenfeld, Dany Weil, Alain Macé

 

 

Un grand moment créatif dans ma vie

De droite à gauche : Jean Meyer, Henri Rollan,

assis André Gide évidemment,

debout derrière lui Renée Faure je crois.

 

 

 

 

Un grand moment créatif dans ma vie

Le plus grand : Alain Feydeau,

à droite Henri Rollan tel que je l'ai connu

(et "tel qu'en lui-même enfin l'éternité le change" comme a écrit Mallarmé qu'il aimait tant et dont il m'a refilé le virus!)

 

https://soundcloud.com/b_cousin/le-tombeau-dedgar-poe-1

 

in :

 

http://bernardcousin.over-blog.com/pages/Bernard_COUSIN_DECLAMANT_-8805108.html

 

 

 

 

Ci-dessous une caricature de Henri Rollan d'un auteur inconnu.
C'est mon collègue et ami feu Jean-Pierre Savinaud qui en est l'unique propriétaire et qui me l'a envoyé bien amicalement.

Un grand moment créatif dans ma vie
Un grand moment créatif dans ma vie
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23 juillet 2011 6 23 /07 /juillet /2011 11:30

 

 

LA VOCATION

 

Bernard COUSIN

 

Et j’ai tout de suite envie de continuer le titre en disant « la vocation théâtrale de Wilhem Meister » première ébauche de tout le cycle célèbre de Goethe : « les années d’apprentissage de Wilhem Meister »Goethe-copie-3.jpg suivi des « années de pèlerinage ».

Dans « la vocation théâtrale » Goethe (à qui on a offert, enfant, un théâtre de marionnettes) raconte comment vient, à Wilhem Meister, sa vocation, à savoir : par les marionnettes.

Une petite remarque en passant : les marionnettes peuvent en effet jouer un grand rôle chez les comédiens puisque Gaston Baty (1885 – 1952 - et membre du Cartel avec Jouvet, Pitoëff et Dullin-) terminera sa carrière avec les marionnettes (et même avec Guignol !). On peut donc dire que Wilhem Meister commence là où finit Baty…

Quant à moi mon premier souvenir de théâtre – je devais avoir dans les dix ans – remonte à une salle de patronage (la salle Stella) où, je ne sais quelle troupe jouait « les Plaideurs » suivi d’une Tragédie (je ne sais plus laquelle) mais ma tante m’y avait tout de même envoyé pour « les Plaideurs ». Or le souvenir que j’ai de cette représentation est tout de même très particulier : j’étais au premier rang et l’acteur tragique, en rhingrave, jouait sans slip (comme on le faisait en effet, paraît-il au XVIIè siècle pour imiter les Anciens) et j’ai été très étonné de ce que je voyais par en-dessous mais sans en être ni choqué ni traumatisé ! Mais après plus de 50 ans je m’en souviens encore ! Ma pauvre tante ! Si tu savais où tu m’avais envoyé !

Je dois préciser que mon éducation d’enfant fut stricte et sévère. eglise breureyBien que mes parents fussent tendres et affectueux j’étais souvent chez ma grand-mère maternelle, bigote, quasi Janséniste, qui me faisait dire maintes prières et servir la messe (déjà le goût du rituel) quant à ma tante, quand j’avais bien travaillé, elle me donnait, pour me récompenser à lire le soir, au lit… une tragédie de Racine ou de Corneille !Capture-d-ecran-2012-03-22-a-16.29.50.png

Capture d’écran 2012-03-22 à 14.30.54Mais arrivons aux choses plus sérieuses : donc dans ma ville natale peu de représentations théâtrales.

Le destin alors m’envoie suivre ma tante  à Gray, petite ville de Hte-Saône près de Dijon, Capture-d-ecran-2012-03-22-a-16.31.19.pngoù là passait régulièrement « la Comédie de l’Est « (maintenant Théâtre National de Strasbourg)  dirigée alors par Hubert Gignoux (mort récemment en 2009 je crois). Le théâtre, un beau petit théâtre à l’italienne, était en face du pensionnat de jeunes filles que dirigeait ma tante. Il n’y avait qu’à traverser la rue ! Il y a de ces hasards et de ces chances ! C’est là que j’ai eu ma première formation théâtrale : Giraudoux, Racine, Anouilh, Pirandello, Claudel, Corneille, Molière évidemment, Ibsen, Hugo (« Mille francs de récompense » – découvert par Gignoux je crois), Marivaux, Tchékov etc… et bien sûr l’auteur préféré de Gignoux : Dürenmatt, mais j’y reviendrai.

 

Mon premier « coup de foudre » fut avec « le mariage de Figaro » (avec les chansons de Beaumarchais). J’ai été bouleversé et je me souviens être allé, seul, pendant l’entracte, pleurer en caressant les énormes camions nécessaires à toute grande tournée, garés derrière le théâtre. Là se situe, je crois ma véritable vocation sans avoir encore formulé nettement que je voulais être comédien (je n’avais que quinze ans !).

 

Parlons donc de la vocation puisque nous y sommes. La véritable vocation se traduit, à mes yeux et telle que je l’ai vécue, certes par un « coup de foudre » (pas un « coup de tête » - je dis bien un « coup de foudre », pour reprendre le langage amoureux car c’est bien de cela qu’il s’agit) mais par un retournement complet de tout l’être et de tous ses repères : Je veux être comédien, il n’y a que ça qui compte, et il n’y a que ça qui puisse agir sur le monde !

Certes c’est un ressenti romantique mais n’est-ce pas ainsi que raisonnaient et agissaient jadis Beethoven, Berlioz, Wagner, Scriabine et les auteurs romantiques français qui tous ont fait de la politique ?

Pour Wagner on a le beau film de Werner Herzog « La transformation du monde en musique », pour  Scriabine, lui, voulait sauver l’humanité et la rédimer par des symphonies extatiques accompagnées de couleurs et de parfums. Il aurait même voulu que le public se caresse durant le concert ! [1]

 

Scriabine, sonate N° 9 dite "messe noire"


https://www.youtube.com/watch?v=Nue8eSG-8sI

 

voir aussi : http://bernardcousin.over-blog.com/2018/12/scriabine-et-sa-mystique.html

 

Je ne serai, plus tard, jamais attiré par le théâtre engagé (style Brecht – que j’ai lu cependant entièrement-), le niveau d’inspiration me suffisait. (Mais je suis quand même un enfant de la décentralisation et du Théâtre populaire. Je n’ai jamais connu Vilar mais j’ai connu le TNP de G. Wilson.)

J’avais déjà pour le théâtre les mêmes idées qu’émettait Berlioz: « (pas) d’amateurs ignorants et superficiels qui veulent que l’art les amuse et n’ont jamais soupçonné qu’il eût une plus noble mission ».Berlioz21

Mais revenons à Dürenmatt avec « la visite de la vieille dame ». C’est là que j’ai vu pour la première fois une « artiste parisienne » de grande classe : Valentine Tessier. Alors, oui, là, j’ai senti une autre dimension apparaître. Non pas que les spectacles du CDE aient été médiocres, mais soudain un autre niveau me sautait aux yeux. Nous y reviendrons avec une autre actrice.[2]

Passé le bac philo, je file à Strasbourg où mon père voulait que je fasse mon droit pour reprendre l’Etude paternelle. Et je dois dire que si j’ai été assidu le premier trimestre, seuls les cours de criminologies[3] m’intéressaient et bien sûr ceux de diction (donnés pour les futurs avocats) par le professeur de la classe d’art dramatique du réputé Conservatoire de musique de Strasbourg, Antoine Bourbon, tellement bavard et alambiqué qu’on ne comprenait rien à ses cours ! J’obtins cependant le 1er accessit à l’unanimité avec « le sous-préfet aux champs » et… « Miquette et sa mère » de Flers et Calliavet (qui a été tourné par Bourvil). Je n’étais alors qu’un grand dadet !

Dans le jury il y avait Hubert Gignoux !Capture-d-ecran-2012-03-22-a-14.38.35.png

Et je présente tout de suite l’entrée à l’école du CDE avec la scène du fossoyeur d’Hamlet – qui ne me convenait pas du tout -  et le monologue de Figaro. On me trouve du talent et je suis immédiatement reçu à l’école du CDE. Où je n’entrerai finalement jamais – ce qui m’attirera les foudres du dit Gignoux…

J’assiste cependant à l’audition de sortie de l’école du CDE de ce temps-là (on doit être en 1961) avec le premier acte de « En attendant Godot » : bouleversement intégral et confirmation de ma vocation !

Je fais alors ma première radio et ma première TV en direct (l’ambiance d’une dramatique en direct ! je crois que c’est réellement électrique) !….
Malheureusement (ou heureusement) pendant ce temps là je fréquentais deux comédiens (un homme et une femme). Et là encore je me rends compte d’une certaine façon de jouer que je ne connaissais pas. La comédienne était une ancienne vedette du cinéma muet Alice Field, pocharde au vin blanc dès le matin. Mais quelle impression, quelle force, quelle verve ! Tout est différent du CDE (que ces deux là n’aimaient pas). Et puis ils me disent : « tu sais, tu vas entrer chez Gignoux, mais c’est un enterrement de 1è classe », présente-toi plutôt rue Blanche.Capture-d-ecran-2012-03-22-a-14.40.07.png

Quoiqu’ébranlé je pars pour Paris. Je commence à travailler à la « Communauté Théâtrale » de et avec Raymond Rouleau et un excellent comédien (qui fut donc mon premier grand professeur : Yves Brainville[4]). J’entre rue Blanche en septembre 1963 dans la classe de Jacques Henri Duval ( qui est mort très jeune).

Duval, grand et mince, comme je l’étais, me convenait bien mais en deuxième année je choisi quand même Henri Rollan qui avait la réputation extraordinaire d’excellence, pour le jeu et la diction.Henri-Rollan.jpg

Mes autres professeurs ont été Robert Manuel et René Dupuy longtemps propriétaire de plusieurs théâtres à Paris (je ne sais plus lesquels – Grammont – actuellement fermé et d’autres.)

Je m’entends bien avec Jean Meyer (grand comme moi) qui n’était déjà plus au Français mais qui était tout de même directeur de la rue Blanche et professeur d’ensemble rue Blanche et au Conservatoire[5]. Il m’a appris beaucoup de choses sur la façon de jouer Molière, le rythme, les vers, les diverses éditions etc… Sur Giraudoux[6] (qu’on ne joue heureusement plus) il avait une théorie de mélopée assez étrange à laquelle on ne comprenait pas grand chose et qu’il nous disait venir directement de Jouvet dont il avait été l’élève.

Sur la petite carrière que j’ai faite je ne m’étendrai pas puisqu’il s’agit ici de vocation et non pas de CV. Il suffit que je dise que je rencontre au Centre Jean-Louis Thamin avec qui j’ai joué, chanté et dansé jusqu’en mai 68 où j’ai entièrement perdu toutes mes relations. Mais ceci est une autre histoire.

Pendant ce temps là j’achète, sur un coup de cœur, « A l’affût des étoiles » de Pierre Bourges que je range soigneusement dans ma petite bibliothèque d’alors et qui y dormira jusqu’en 1977 environ !

 Capture-d-ecran-2012-03-22-a-14.43.44.png

 

Jouant dans des troupes de plus en plus médiocres j’entre presque par hasard et subitement, comme animateur théâtral dans les établissements scolaires de la Région Parisienne. C’est sans doute un échec théâtral mais finalement c’est pour mon plus grand bien car j’ai enfin un salaire stable avec tout ce qui s’en suit.

Cependant je vole ensuite de mes propres ailes, en écrivant, montant et jouant un répertoire de théâtre mystique voulant – comme les musiciens énoncés précédemment – élever spirituellement un vain peuple. Viennent alors les adaptations théâtrales de « Zanoni » de Bulwer Lytton (vaguement Rose-Croix), la Divine Comédie en mélangeant comédiens et projections des

gravures de Gustave DoréCapture d’écran 2012-02-21 à 09.26.58 (peut-être mon plus beau spectacle) Les Amours musicales de Robert et Clara Schumann (avec France Pennetier au piano), la Bhagavad Gîta, et ,comble de non théâtralité, « Les hymnes à la nuit » de Novalis.

 

 

Mais surtout j’invente les « Célébrations théâtrales » et particulièrement la « Célébration de la Nature et de la Nuit » donnée une nuit de 21 juin dans un grand parc privatif avec des textes de Goethe, Edouard Schuré, Hölderlin, Virgile et l’hymne d’Akhnaton récité au Soleil levant.

Je dois dire que ce fut splendide.

 

 voir CELEBRATION DE LA NATURE ET DE LA NUIT

 

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Invocation aux ombres du sépulcre (V. Hugo)

 

 

Capture-d-ecran-2011-08-24-a-11.42.52.png

 

Rituel Orphique (Ed. Schuré)

 

Je dois préciser que l’une des caractéristique de mes pièces était d’interdire tout applaudissement – même à la fin. Il n’y avait d’ailleurs pas de salut non plus. Tout ça était évidemment inspiré de Parsifal à Bayreuth où Wagner voulait qu’on n’applaudisse pas.[7]

 

Entre temps je me marie et un jour je dis à mon épouse : « Tiens si nous faisions de l’astronomie ? » Elle est d’accord. On retrouve ce livre oublié dans ma bibliothèque et on décide d’aller au « Palais de la découverte » (déjà) demander des renseignements sur une petite lunette qu’on voulait acheter.Capture-d-ecran-2012-03-22-a-14.47.08.png

A partir de ce moment (on était en été) commencent de longues nuits d’observation durant lesquelles avec cette minuscule lunette, posée sur une table branlante, je pars à la recherche de tous les objets Messier abordables par les amateurs.

Les objets Messier viennent, comme le nom l’indique, d’un catalogue d’objets peu lumineux établi au XVIIè S par un dénommé Messier qui voulait établir une liste de tous les objets peu lumineux connus afin de distinguer parmi eux, sans se tromper, le retour, alors prévu, de la Comète de Halley.Capture-d-ecran-2012-03-22-a-14.49.33.png

Quelle ardeur, quelle volonté, quel acharnement je mets à rechercher et à découvrir ces objets avec cette minuscule et mauvaise lunette ! Ah ! J’en voulais ! Je serais actuellement incapable de retrouver un seul de ces objets avec le même appareil ! Mais comment ai-je fait ?…

Et tout de suite j’organise des stages d’initiation à l’astronomie. Ils sont actuellement foison mais à l’époque il n’y en avait pas et j’ai été dans les premiers ! Ah ! J’ai dû dire beaucoup de bêtises, mais je montrais la Lune, les planètes et les étoiles doubles et les gens étaient ravis. Je montrais aussi le Soleil, observation hyper dangereuse – qui peut aller jusqu’à la cécité immédiate et définitive – et qui doit se faire avec un matériel approprié et fiable, ce que je n’avais pas ! Inconscience et enthousiasme de la jeunesse !Capture-d-ecran-2013-05-30-a-10.13.08.png

Mais ma foi, ça marche, j’organise de plus en plus de stages, je suis demandé de plus en plus et je fais des rencontres intéressantes. Tout ça en traînant les enfants qui s’adaptent fort bien à ce milieu créatif. Je découvre alors le monde des chercheurs en astronomie du CNRS, monde que je croyais très austère et qui est en réalité composé de personnalités très originales, fantasques mêmes. Je suis ravi. Je m’entends bien avec tout le monde et j’accroche bien avec ce milieu bardé de diplômes alors que je n’avais RIEN[8]. Je trouve alors qu’il y a un rapprochement à faire avec le monde du spectacle si original et non conventionnel. Ce qui me plaît bien. Donc là aussi (comme tout à l’heure avec les acteurs parisiens) je monte d’un cran et je découvre les grandes pointures de la recherche scientifique d’alors (maintenant tous à la retraite). Je les croyais hyper rationnels et noyés dans leurs équations mais pas du tout. Les idées de pointe étaient alors quasiment irrationnelles (la physique quantique était passée par là – la cosmogonie aussi) et je suis sous le charme.

Capture-d-ecran-2012-03-22-a-16.18.45.pngPar exemple jean Heidmann – que j’ai bien connu[9] – en était à établir des plans d’autoroutes sur la face cachée de la Lune pour relier les radiotélescopes géants qu’il voulait y installer !… Les chercheurs doivent pratiquer l’utopie…Capture-d-ecran-2012-03-22-a-16.20.05.png

Plus tard j’organiserai des stages d’été pour le CNRS en engageant moi-même ces grandes pointures qui m’impressionnaient tant.

Durant cette période je rencontre le directeur du Planétarium du Palais de la découverte et je lui pose la question audacieuse : « avez-vous besoin d’animateurs pour le planétarium ? » La réponse est immédiatement positive mais suivie d’un « mais ça ne permet pas de vivre » qui me déçoit (en effet je crois qu’à cette époque l’heure d’animation au Palais de la découverte était rémunérée 15 ou 18 francs !!!)

C’est alors qu’avec le culot de l’inconscience je me mets en disponibilité de l’Education Nationale pour être libre et prêt au premier appel du Planétarium qui m’émerveillait tant ! Quand on VEUT quelque chose il faut savoir prendre de telles audaces.

Pendant deux ans je n’ai été que vacataire à raison  d’une ou deux séances par mois !

La formation au planétarium fut longue et difficile. Et je n’ai pas été aidé. Bien entendu il fallait une excellente connaissance du ciel (que j’avais) une bonne connaissance du public (que j’avais – ayant animé des groupes de centaines de personnes durant les nuits d’été - et même d’hiver !- ). Il fallait aussi concevoir toute la séance – comme un spectacle - selon un plan traditionnel (toujours actuellement en vigueur : commencer par le ciel du soir puis bifurquer sur le sujet imposé), concevoir le texte, choisir et lancer les musiques et faire marcher le planétaire en tournant les boutons appropriés au bon moment. Synchroniser tout cela n’est vraiment pas évident et PEU y sont parvenus. Mon expérience de comédiens, évidemment m’a beaucoup aidé.

 

 

Il fallait donc concevoir, parler, enseigner et faire la régie ! Et tout ça dans le noir !

Une petite expérience à noter : au début de ma formation, seul dans ce grand planétarium aux 8000[10] étoiles étincelantes, pour la première fois, je fais tourner ce qu’on appelle le mouvement diurne, correspondant à la rotation de la Terre sur son axe et miracle ! et... le ciel m’a obéi : les étoiles se sont levées à l’Est et ce grand ciel a tourné sur mon ordre ! Pendant une seconde je me suis quasiment pris pour Dieu! Sensation étourdissante ! Ensuite les contingences techniques ont vite repris le dessus.

 sortie-palais-decouverte

 

(Mais vous ne verrez plus jamais ça. Le 28 juin 2019 tous les animateurs actuels et anciens (dont moi) nous nous retrouvions quasi tous - fait unique - pour « fêter » bien tristement la mort du planétaire.

 

https://share.icloud.com/photos/0EisHZKEtdF28fIa3k_yUtqyw

 

Le palais de la Découverte tout entier a fermé ses portes théoriquement jusqu'en 2025.
Pendant la fermeture du palais (qui devrait durer au moins jusqu’en 2024) il sera en partie et temporairement hébergé dans une structure au parc André Citroën bêtement intitulé "les étincelles", dans le 15è.
Note : cette fermeture est la conséquence d’une réfection totale du Grand Palais.

Il paraît qu'il  y a là un planétaire modeste mais très performant que je n'ai pu encore visiter...

 

 

 

Et puis un jour le miracle s’est produit ! Pour des raisons demeurées difficilement explicables le principal titulaire a été payé par la direction pour rester chez lui ! D’un seul coup, un poste s’est libéré, je suis passé d’une ou deux séances par mois à une ou deux séances par jour ! C’est là ma vraie entrée au Planétarium du Palais de la découverte : j’ai été pris sur contrat, d’abord à 50% puis à 80% puis à temps plein !

 

J’ai dit que mon expérience de comédiens m’a beaucoup apporté. En effet, avec les années j’ai conçu mes discours à la manière de la Comedia del’Arte ; c’est à dire que j’avais plusieurs centaines de phrases toutes préparées dans la tête et en fonction de l’évolution du discours, de l’état du ciel et des réactions (bonnes ou mauvaises) du public, je choisissais telle ou telle de ces phrases. Le canevas était là mais la manière de l’agencer dépendait de mon choix et de la nécessité du moment.Capture-d-ecran-2011-12-08-a-15.59.53.png

Un mot sur le public du Planétarium : il y a divers public : le public attentif et réagissant bien à tout (c’est le public idéal, rare), le public totalement silencieux : aucune réaction, silence total, on croit même qu’il n’y a personne dans la salle, c’est très déséquilibrant – et on  leur dit mais rien ne change ! - le public rieur (assez agréable quand les rires ne tombent pas mal à propos) le public terrorisé qui ne comprend rien à ce qu’on lui dit, à ce qu’on lui montre et à ce qu’il voit[11] ! et bien sûr hélas les scolaires chahuteurs12  !

 

Le placard qui me servait de bureau au Palais de la découverte!

 

J’ai appris aussi les techniques pour déjouer les pièges et les rosseries des questions du public. J’ai appris aussi à avouer mon ignorance dans certains cas : c’est ça l’honnêteté scientifique.

 

Je suis resté 15 ans au Planétarium. Pendant 10 ans je me suis amusé, à chaque séance, avec cet appareil formidable ( les cinq dernières années ont été moins brillantes à cause de l’ennui et de la routine).

Parmi mes séances préférées j’avais « la précession des équinoxes » (qui met tant en colère les astrologues)

 

http://bernardcousin.over-blog.com/la-precession-des-equinoxes.html

 

et j’en avais inventé quelques unes dont je suis particulièrement fier et que j’étais le seul à réaliser : aller sur l'équateur du Soleil voir les planètes se déplacer chacune à sa vitesse propre, aller sur Mercure pour voir la rétrogradation du Soleil[13], aller sur la Lune pour voir que la Terre ne s’y couche jamais et surtout sur Uranus où en 2030 le Soleil sera étoile polaire au zénith !

 Capture-d-ecran-2011-12-20-a-12.20.50.png

Mes buts principaux étaient d’apprendre à distinguer les étoiles des planètes, d’apprendre que toutes les planètes sont visibles à l’œil nu – jusqu’à Saturne inclus[14] - d’apprendre à retrouver l’étoile polaire qui indique toujours le Nord, qu’elle n’est pas l’étoile du berger (laquelle est la planète Vénus – que cette planète Vénus n’est pas toujours visible le soir mais qu’elle est alternativement astre du soir et astre du matin en passant par des phases d’invisibilité -). On pense, au Palais, que si le public ressort avec deux mots ou notions nouvelles, avec le désir de revenir ou d’approfondir et après avoir pris du PLAISIR, que le pari était gagné.

 

Donc deux vocations dans ma vie : l’une artistique en forme de coup de foudre et d’apprentissage sérieux et l’autre scientifique (mais toujours teintées par mes soins de poésie) avec une lente et nécessaire formation pour la connaissance scientifique que je n’avais pas.

Pour les séances consacrées aux « étoiles et aux galaxies » où je traitais surtout des distances je terminais par ces mots : « Blaise Pascal a écrit « le silence éternel des espaces infinis m’effraie » j’espère ne vous avoir pas trop effrayé mais au contraire vous avoir éclairé sur la grande architecture de l’Univers » 

 

 

 

 

Capture-d-ecran-2012-02-07-a-11.55.50.png

   

 

"Psychologo" de ma fille Sophie-Héloïse présentant d'une manière symbolique différents aspects de ma personnalité.

Note : La musique reproduite au milieu des étoiles est la 1è partie du thème du "Wanderer" (en réduction pour piano) au 1er acte de "Siegfried" de Wagner. Cliquer pour agrandir.

 

 

Ceci ressemble certes un peu à des souvenirs d’ancien combattant mais peut-être est-il temps que je les fasse maintenant en espérant vous avoir autant intéressés que j’ai eu de plaisir à me les remémorer.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Mais je préfère de loin le piano de Scriabine à son œuvre orchestrale.

[2] Je dois tout-de-même signaler que vers mes sept ans ma tante – toujours elle – m’avait emmené à la Comédie Française voir « le bourgeois gentilhomme » dans la belle mise en scène de Jean Meyer avec Louis Seigner évidemment – et à l’orchestre – car il y en avait un : André Jolivet  SYMBOLISME ET SOUVENIRS

[3]  Peut-être aurais-je aimé être commissaire de police. Les films policiers me fascinant toujours !… Mais mon intérêt pour ces cours de criminologie faisait peur à ma mère !

[4] Qu’on voit tout jeune dans « entrée des artistes » (avec Jouvet).

[5] La particularité des cours de Meyer était que toutes les filles en sortaient en larmes !…

[6] qui fut, ne l’oublions jamais «  ministre de la propagande » sous Vichy !

[7] La seule fois où j’ai autorisé les applaudissements fut avant une démonstration d’arts Martiaux (par Michel Coquet) et là, ce fut pour « chasser les mauvais esprits »…

[8] Je passerai plus tard le « diplôme Universitaire » en astronomie-astrophysique, du CNED (Centre National d’Education à Distance)

[9]  Puisque j’ai été le collègue de sa femme plusieurs années au Planétarium.

[10] En réalité 4000 par hémisphère.

[11] Certains publics terrorisés s’imaginaient même que le toit du planétarium s’ouvrait et qu’on voyait les étoiles en plein jour !

12 Mais contrairement à ce qu'on pourrait croire les chahuts étaient moindres les dernières années qu'au début. Peut-être avions nous trouvé des techniques pédagogiques (et d'intimidations) efficaces!...

[13] Au cours d’une journée Mercurienne (plus longue que son année !)

[14] C’est-à-dire les planètes connues des Anciens et visibles à l'œil nu.

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