Un appauvrissement de la langue française
- De l'importance de bien prononcer -
Ce que j'écris ici paraitra évident à certains
et ne le sera pas pour d'autres.
La langue française est une langue vivante, donc elle évolue, elle change. Comme les étoiles les mots naissent, vivent et meurent1
Il a existé jadis un « Que sais-je ? » intitulé « Vie et mort des mots » qui semble maintenant épuisé.
En diction aussi la mode change. Il n'est qu'à entendre prononcer les « a » dans des films pas si vieux que ça (avant guerre) pour remarquer facilement qu'on ne prononce plus comme ça.
En revanche, aujourd'hui - et cela depuis bien longtemps (plusieurs décennies) – un nivellement de la prononciation des « ai ais (ait) » m'inquiète.
Du temps de ma jeunesse « ai » et « ais - ait » se prononçaient différemment.
« Ai » se prononçait « é »
« Ais (ait) » se prononçaient « è »
Aujourd'hui tout est nivelé en « è »
(exemple 1) cliquer sur :
https://soundcloud.com/bernard-cousin/diction-exemple-1
Comme on n'entend plus aujourd'hui de différence à l'oreille l'orthographe s'en ressent et il ne faut pas s'en étonner. Pourquoi une personne peu instruite s'embêterait-elle à ces différentes orthographes puisqu'on n'entend rien ?
L'orthographe paraît, du coup, bien pinailleuse... inutile et désuète ; et pourtant !...
Et pourtant : « quand je serAI riche je voyagerAI » est bien différent de
« Si j'étAIS riche je voyagerAIS »
C'est net à la prononciation,
(exemple 2) cliquer sur :
https://soundcloud.com/bernard-cousin/exemple-2
ET LE SENS EST DIFFERENT.
Note : personnellement, dans mes enregistrements ET DANS LA VIE COURANTE, j'utilise toujours cette différence de prononciation. J'ai été élevé comme ça je ne peux ni ne veux m'en débarrasser.
et écrire « quand je serais riche je voyagerais » est évidemment preuve d'une grande ignorance et de l'orthographe et du Français.
De même si on écrivait « si j'étais riche je voyagerai » !
Précisons encore et faisons du B A BA :
Je voyagerAI c'est le futur : la chose se fera plus tard c'est certain – et ça se prononce « é »,
Je voyagerAIS c'est le conditionnel. Ce n'est pas certain, il y a une condition préalable (ici l'argent) – et ça se prononce « è »,
AI et AIS (AIT) c'est à dire « é » & « è » distinguent donc le futur du conditionnel.
(exemple 3) cliquer sur :
https://soundcloud.com/bernard-cousin/exemple-3
N'est-ce pas capital ?
Plus subtil mais non moins important :
J'aimAI et j'aimAIS.
Le premier est au passé simple – temps difficile et peu utilisé2- le second est à l'imparfait – et ça ne se prononçait pas de la même manière !
(exemple 4) cliquer sur :
https://soundcloud.com/bernard-cousin/exemple-4
Il en est de même pour :
J'aimerAI et j'aimerAIS
Le premier est au futur : «Quand je serAI bien-portant comme j'aimerAI la mer ! »
Le second c'est le conditionnel : « Si j'étAIS3vaillant j'aimerAIS voyager. »
Donc lorsque je déclare que ce nivellement de prononciation m'inquiète, je confirme, et je réitère : si on néglige la distinction phonétique et orthographique entre le futur, le conditionnel (l'imparfait et le passé simple étant moins grave)
il s'agit bel et bien d'un appauvrissement de l'expression ET de la compréhension.
Exemple : une belle faute d'orthographe ! :
- Que faut-il comprendre? : "J'y croirai toujours"? (futur)
ou "j'y croirais toujours"? (conditionnel) -
Et ça ne se prononce pas de la même façon!
(outre le fait que le sens de l'image lui non plus n'est pas clair!)
Mais il y a plus difficile ! :
« é er ez » se prononcent tous, eux, de la même façon ! : « é »
« Vous êtes mal élevÉ » (participe passé4)
« VeuillEZ fermER cette porte blindÉE.» « veuillez » c'est l'impératif et
« fermer » ici c'est l'infinitif (on peut dire « veuillez prendre »), "blindée" s'accorde avec la porte, (féminin singulier).
Hé oui! trois orthographes différentes pour le même son "é".
Oui le Français est une langue difficile! Mais il est nécessaire de s'y appliquer si vous voulez être pris au sérieux
et vous faire comprendre très exactement.
(exemple 5) cliquer sur :
https://soundcloud.com/bernard-cousin/exemple-5
Mais ici j'arrive dans l'orthographe simple ; je vous renvoie aux cours d'orthographe de votre scolarité et je vous rappelle aussi que dans tout traitement de texte il y a un « conjugueur ».
Ex : http://leconjugueur.lefigaro.fr/
Et dernier recours : la bible de la bonne diction Française « Grammaire5de diction Française » par Georges Leroy6 qui vient juste d'être republié et ce printemps 2017 et facile à trouver.
Note : J'ai appris récemment qu'aux Antilles cette différence de prononciation entre "é" (ai) et "è" (ais ait) était scrupuleusement respectée! Heureux peuple! |
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Maintenant les « O »
Je pourrais également partir en guerre sur l'actuelle tendance de l'invasion du « o » ouvert qui éclipse le « o » fermé.
Exemple « o ouvert » : téléphOne
Exemple de « o fermé » : je bois de l'EAU »
(exemple 6)
Mais ici la compréhension n'est pas mise en danger.
Une application pratique sur les "o" :
(exemple 7)
autre exemple:
(exemple 8)
Certes on sent tout de suite ma préférence mais tout de même, avouez : "saules" prononcé avec un O ouvert (comme dans téléphone) je comprends "sol" ou encore "sole" (le poisson!) Et les chats : ne miaulent-ils pas avec un "o" fermé (comme dans "eau")?!
Ecoutez la phrase suivante correctement prononcée :
Applications pratiques ! :
http://bernardcousin.over-blog.com/pages/Bernard_COUSIN_DECLAMANT_-8805108.html
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Note :
En ce mois de mai 2016 je crois avoir résolu le mystère : ce sont ces fichus correcteurs d'orthographe les fautifs car ça m'arrive à moi aussi maintenant! Le dit "correcteur" met automatiquement l'accent circonflexe sur tâche quel que soit son sens. Du coup il faut en tirer une conclusion (que je ne cesse de rabâcher sur ma page facebook et autres) :
RELISEZ-VOUS! C'est une chose qu'on ne sait plus faire et qu'on n'apprend plus et pourtant!
RELISEZ AVANT LA PUBLICATION ET APRES car ces fichus correcteurs prennent parfois de ces initiatives PENDANT la publication!
- cours de diction avec Bernard Cousin http://bernardcousin.com
et pour m'entendre dire des poèmes :
http://bernardcousin.over-blog.com/pages/Bernard_COUSIN_DECLAMANT_-8805108.html
Maintenant une règle en forme d'astuce pour le fameux accord des participes passés avec le verbe avoir :
"J'ai jeté les fleurs que j'ai cueillies."
Accord avant ou après? Ce n'est pas clair.
Voici mon moyen mnémotechnique basé sur la logique :
J'ai jeté - quoi? On ne sait pas, donc pas d'accord -
les fleurs que j'ai cueillies - j'ai cueilli quoi? : les fleurs, féminin pluriel, donc accord.
1En réalité cette expression courante est impropre pour les étoiles.
2Et qui devient obsolète – plus que l'imparfait du subjonctif qu'on entend encore parfois dans certains discours - : « Ah ! Que j'eusse aimé !» Ca fait chic, un peu prétentieux, un peu distingué avec ostentation et parfois cocasse voire coquin... !
Mais il ya plus subtil dans l'emploi du passé simple : « J'allAI à la plage » (passé simple) laisse supposer qu'on y est allé qu'une fois. « J'allAIS à la plage laisse supposer que c'était une habitude ». Ici les deux temps se situent bien dans le passé mais l'un désigne une action unique alors que l'autre désigne une action réguliere.. !
3 Imparfait.
4 Oui je sais ces termes sont effrayants.
5 Attention je dis bien « grammaire » et non pas « traité » car ce second tome est moins intéressant.
6 Qui fut le professeur de Gérard Philipe.